Chronique - Moncoutié : «Alaphilippe, c'est un exploit»
Par Benoit LAURENTI le 29/04/2015 à 19:37
Vidéo - Qui remportera le Tour de Romandie ?
Beaucoup de grandes courses se sont succédées ces dernières semaines comme les classiques ardennaises et d'autres tout aussi prestigieuses vont animer la saison comme le Tour de Romandie ou le Tour d'Italie. L'heure idéale pour faire appel à notre chroniqueur David Moncoutié, qui livre en exclusivité pour Cyclism'Actu son avis sur les événements récents, et les prochaines échéances de mai.
Un tryptique avec des leaders dans tous leurs états
Valverde 35 ans, Alaphilippe 22 ans. Et pourtant, on ne peut pas encore parler de passage de témoin parceque Valverde continue de réussir et c'est lui qui s'est imposé malgré ses 35 ans. Il n'a jamais été aussi fort ou presque. C'est son style de course. En montagne, il peut tomber sur des coureurs plus forts que lui, l'amenant aux portes des podiums mais jamais à la meilleure place. Sur les courses d'un jour par contre, c'est vraiment sa spécialité.
Simon Gerrans, Dan Martin, Philippe Gilbert auraient dû être des adversaires supplémentaires. Des grands coureurs qui étaient présents mais diminués par les chutes et auraient dû être face à lui. Néanmoins, il restait du monde et il a montré dans les derniers kilomètres de chacune de ces épreuves qu'il connaissait par coeur qu'il pouvait maitriser avec sang froid ses adversaires... L'expérience et ses victoires du passé lui ont permis de gérer parfaitement.
Enfin, dernier point concernant les leaders, Kwiatkowski. Une petit déception sur la Flèche et Liège car il avait sûrement ces courses en tête. Est-ce que le fait de remporter l'Amstel l'a fait trop décompresser mentalement ? Cela peut arriver... On peut se fixer un objectif et finalement, y arriver à court de forme. C'est un coureur offensif, qui peut avoir des hauts et des bas. C'est un coureur jeune qui correspond à ce type de course, rien d'alarmant.
Côté bleu, un bien meilleur bilan
Ce qu'a fait Alaphilippe, c'est un exploit. 2e année chez les pros, première participation et déjà 2e de la Flèche et de Liège derrière Valverde, c'est énorme. Pas grand monde ne s'attendait à une telle performance de sa part. Maintenant, on sait que c'est le coureur français qui a le profil pour remporter ce genre de course dans les prochaines années. Une pointe de vitesse, puncheur, capable de tenir le coup au delà de 200 kilomètres, sans oublier les faits de courses comme quand il est resté bloqué dans une chute ou quand il devait travailler pour Kwiatkowski. Ce sont des courses où l'on a besoin d'expérience et pourtant...
Il a le profil des classiques d'un jour un peu difficiles. Pour les championnats du monde futurs, c'est un coureur sur qui l'équipe de France pourra compter, bien évidemment. Dans les courses par étapes il a tout à prouver mais sur les classiques, avec ce qu'il a montré, il sera là.
Arthur Vichot et Tony Gallopin sont peut être un peu déçus car ce genre de courses leurs conviennent à eux aussi. Les années se suivent et ne se ressemblent pas forcément. On peut très bien ne pas être au top une année et être présent l'année d'après. Globalement, les français ont été bien présents, avec Vuillermoz et Bardet également. Un bilan bien meilleur que sur les flandriennes.
Des classiques verrouillées, plusieurs explications
Souvent, les équipiers sont trop forts. Et puis parfois, leaders ont peur de faire l'effort de trop puis de le payer ensuite. Il faut de plus en plus calculer l'attaque au bon moment et on voit que ce scénario et de plus en plus réguiler et sert de point de repère lors des briefings d'avant-course. Sur 260 kilomètres, le nombre de cartouches est limité et évidemment, la course se joue à la fin. Comment changer ça ? On pourrait réduire le nombre d'équipiers par exemple. Je pense que c'est en partie la cause du problème. Le niveau entre leaders et équipiers tend à se rapprocher. Des équipes ont tout de même tenté, comme Astana...
On ne veut vraiment pas faire l'effort de trop sur ce genre de classique, à partir du moment où l'on voit certaines équipes bien représentées dans le groupe on hésite à attaquer. On vise la victoire mais les accessits sont également très importants. Pas mal de coureurs calculent. Des coups auraient pu être tentés par les équipes en surnombre comme la Katusha qui aurait pu essayer de déstabiliser Valverde. Certes ils l'ont fait dans les derniers kilomètres mais ils auraient pu tenter plus tôt sachant qu'ils avaient des coureurs costauds dans le final. Une attaque plus tôt aurait pu inciter Valverde à attaquer encore plus. Mais ce dernier a très bien calculé ses efforts même s'il faut avoir les jambes pour le faire tout de même.
Froome sur le Tour de Romandie pour se rassurer
Chris Froome possède déjà 40 secondes d'avance sur Nairo Quintana à l'issu du contre-la-montre par équipes mais on ne peut pas juger de la différence de niveau entre les deux coureurs. On pourra les comparer dès les premières difficultés. La Sky avait une équipe solide avec d'excellents rouleurs malgré l'absence de Richie Porte. Une absence judicieuse car il a fait un début de saison exceptionnel, où il en a presque trop gagné pour être encore bien au Giro. Il n'a rien à prouver ici, donc autant couper mentalement et physiquement avec le Giro. Froome, c'est plutôt l'inverse. Pour le moral, il doit se rassurer. Il vient ici pour se jauger face à des Quintana, Nibali... Car sur le Tour de Catalogne, il était assez loin.
Ilnur Zakarin m'avait surpris sur le Tour du Pays Basque en jouant avec les meilleurs dans les arrivées difficiles. Je suis curieux de voir s'il peut reéditer une telle performance sur le Tour de Romandie ou s'il ne s'agissait que d'un feu de paille. Il reste la révélation du Tour du Pays Basque. Une autre révélation pourrait être Alexis Vuillermoz. Il a déjà montré qu'il pouvait être fort sur les montées raides. Pas évident de se faire une place au milieu des Péraud, Bardet, Pozzovivo... Présent en Romandie, il ne sera pas aligné ensuite sur le Giro mais sur le Tour. J'aurais préféré le voir sur la Vuelta avec toutes ces montées raides.
Contador, mon favori du Giro
Deux noms sortent du lot. Porte et Contador. Il faudra aussi compter sur Uran, Aru et Pozzovivo. Grosso modo, on retrouvera les mêmes acteurs que lors du Tour de Catalogne. Mon favori reste Contador. Il n'a pas fait le meilleur début de saison mais il faut tenir compte de son expérience sur trois semaines, et de son doublé Giro-Tour. Il a du en garder sous la pédale comparé à un Richie Porte qui a été très fort mais qui a toujours eu du mal sur les Grands Tours. Psychologiquement, Contador aura l'esprit plus offensif, revanchard. Porte n'a pas de référence majeure sur trois semaines ayant toujours connu des jours sans contrairement à Contador.
Le Giro ne se résume pas à ces deux coureurs et on peut citer Aru, qui avec un an de plus devrait être encore plus fort. Citons aussi Pozzovivo, Uran... Il y aura de belles têtes d'affiche.
On s'attend aussi à découvrir de nouveaux coureurs sur le Giro. Certains marchent bien sur les courses d'un jour, d'une semaine... D'autres se révèlent mieux sur un Grand Tour que sur une classique de niveau. Côté français, Clément Chevrier fera son premier Grand Tour. Quand on découvre, on a toujours l'appréhension de la récupération. L'objectif chez beaucoup de jeunes, c'est de terminer. Après, pourquoi pas s'illustrer, on découvre. On voit au fur et à mesure et à l'approche de la fin, on essaye de se libérer un petit peu plus si on a encore des cartouches en stock !